Le retour de l’inflation
Alors que mi-mars, les marchés réussissaient à initier un rebond assez net, encouragés par une possible évolution positive des discussions entre la Russie et l’Ukraine et par des propos rassurants de la banque centrale américaine sur la santé de son économie, cette dynamique haussière s’est essoufflée début avril, avec le retour sur le devant de la scène de la question cruciale de l’inflation.
Il y a encore quelques mois, le consensus considérait ces tensions inflationnistes comme transitoires. Elles étaient la conséquence logique d’une sortie dynamique de la crise sanitaire. Mais trois éléments nouveaux sont venus remettre en cause ce scénario.
Le premier est la hausse des salaires aux Etats-Unis, qui affichent une progression de 5,6% sur un an. Elle fait craindre l’émergence d’une spirale inflationniste prix/salaires dans cette zone économique très dynamique.
Le second est la politique zero-covid en Chine. Cette approche extrême et probablement assez peu efficace risque d’engendrer de nouvelles ruptures dans les chaines d’approvisionnement, ce qui provoquerait de nouvelles tensions sur les prix.
Enfin le troisième, et peut être le plus important, est la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Cette guerre a provoqué un choc durable sur le marché des matières premières énergétiques et alimentaires. Et au-delà de ce choc, elle a affirmé un peu plus la nécessité d’un retour au principe d’autonomie stratégique, qui comme le prédit Larry Fink (PDG de Blackrock) sera synonyme de fin de la globalisation et d’une « réorientation à grande échelle des chaînes d’approvisionnement, qui sera intrinsèquement inflationniste. »
Tous ces éléments pointent donc vers un scénario d’une inflation plus durable qui nécessiterait des politiques monétaires nettement plus restrictives (via des hausses de taux et une réduction du bilan des banques centrales). Les risques de récession se font donc de plus en plus grands, ce qui incite les investisseurs à beaucoup de prudence.
Mais rien n’est encore joué, car chacun de ces facteurs inflationnistes pourrait se résorber rapidement. Par exemple, aux Etats-Unis, nous voyons une nette augmentation de la participation au marché du travail, notamment avec le retour des retraités qui voient leur pouvoir d’achat se dégrader avec l’inflation. Les pressions sur les salaires pourraient donc avoir touché un plafond.
En Chine, les restrictions sanitaires sont si drastiques qu’elles pourraient engendrer une forte instabilité sociale. Il est possible que le gouvernement finisse par infléchir son approche zéro-covid, ce qui détendrait nettement les risques de ruptures dans les chaines d’approvisionnement.
Enfin en Ukraine, vu le coût énorme de la guerre pour Vladimir Poutine, il est encore possible qu’il renonce totalement à une invasion générale de l’Ukraine et se contente des territoires de l’est du pays. Cela pourrait rassurer les marchés de matières premières.
Mais pour l’instant, les facteurs inflationnistes sont toujours présents, c’est pourquoi une approche prudente des marchés est pleinement justifiée. Nous suivrons avec attention les résultats des entreprises au premier trimestre afin de voir si leurs marges ont été lourdement impactées ou non par la hausse des coûts.