Le Family Office partagé

Commentaire de gestion – mars 2020

Emmanuel Domange

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Depuis la mi-mars, les marchés rebondissent, encouragés par les perspectives de traitement de l’épidémie de coronavirus, les nouvelles mesures monétaires et budgétaires et le rebond des cours du pétrole. Écoutons ce mois-ci l’analyse des gérants de la Financière de l’Échiquier et de Rothschild & Co.

La Financière de l’Échiquier – Flash Marchés au 30 mars

« Les séquences historiques se suivent sur les marchés d’actifs risqués, sans se ressembler. Après la chute des dernières semaines, les actions viennent de connaître un rebond non moins brutal. Marqué notamment par la journée du 24 mars – au cours de laquelle le Dow Jones a connu sa plus forte hausse journalière depuis 1933 – ce mouvement a vu de nombreux indices entrer en bull market, avec une hausse de plus de 20% depuis les points bas du 16 mars.

Pourquoi tant d’enthousiasme ?

La crise actuelle est souvent comparée à celle de 2008. Les causes en sont néanmoins très différentes et la réponse des banques centrales et des gouvernements a cette fois été rapide et de très grande ampleur. Les annonces se sont multipliées ces derniers jours encore.

Lundi dernier, la Réserve fédérale américaine a annoncé un quantitative easing illimité sur les obligations d’entreprises. Le lendemain, la Maison Blanche et le Sénat se sont accordés sur un plan de soutien de 2 000 milliards de dollars, soit 10% du PIB américain. Ce plan prévoit des aides directes aux ménages (jusqu’à 1200 dollars par adulte et 500 par enfant), des prêts aux PME (367 milliards), aux grandes entreprises, villes et Etats (500 milliards) ainsi qu’une enveloppe de 130 milliards pour les hôpitaux. Si ces aides sont inférieures aux montants réclamés par certains investisseurs (4 500 voire 6 000 milliards), on peut légitimement penser que le gouvernement américain se réserve des munitions pour ajuster sa réponse à la durée du blocage économique. Ces montants colossaux s’ajoutent à ceux annoncés les semaines précédentes et expliquent sans doute l’enthousiasme de certains investisseurs, qui commencent à considérer que l’action des institutions internationales est à la hauteur du défi.

Ce rebond peut-il être durable ?

Rappelons que les rebonds techniques, souvent violents, ne sont pas rares lors des crises. En 2008, le S&P 500 avait rebondi de 19% entre fin octobre et début novembre, de 21% entre fin novembre et début décembre, avant de rechuter. Le mouvement que nous venons de connaître pourrait tout à fait s’inscrire dans cette logique, d’autant qu’il a lieu en fin trimestre : il pourrait donc être en partie dû aux flux acheteurs générés par les réallocations des principaux fonds de pensions, notamment américains.

 

Par ailleurs, deux incertitudes demeurent. La première est d’ordre sanitaire. En Europe, les mesures de confinement sont en place dans la plupart des pays, et il va falloir attendre pour juger de leur efficacité. Aux Etats-Unis, la réponse demeure incomplète. Seuls certains Etats ont acté le confinement et l’attitude de Donald Trump vis-à-vis de la gravité de la situation paraît pour le moins légère, même s’il a prolongé les consignes de distanciation sociale jusqu’à fin avril. Il n’y a plus guère de doute que les Etats-Unis seront le nouvel épicentre de la pandémie. Cela est anticipé par les marchés, qui ne devraient pas être surpris de l’augmentation du nombre de cas outre-Atlantique. L’emballement de la contamination, qu’on ne peut exclure à ce stade, constituerait toutefois un facteur de stress important.

L’autre inconnue est d’ordre micro-économique. Si de nombreux mécanismes sont en place pour assurer la pérennité des entreprises et éviter des faillites en série, l’impact sur les chiffres d’affaires et les bénéfices n’en sera pas moins violent. Le retour à la normale prendra du temps. Dès lors, bien que les valorisations des actions puissent paraître attractives sur ces niveaux, ce ne sera sans doute pas suffisant pour alimenter une hausse soutenue, compte tenu des faibles perspectives d’activité.

Nous ne pensons donc pas que le rebond de la semaine passée constitue les prémices d’un rattrapage durable. Le potentiel de nouvelle baisse violente a certes été réduit par l’action massive des gouvernements et des banques centrales. Les incertitudes liées à la situation sanitaire et à l’impact à moyen terme sur l’activité des entreprises – et in fine sur les valorisations – rendent toutefois difficilement crédible un retour rapide à la normale.

Comment tirer parti de cet environnement ?

Etant donné le manque de visibilité sur l’évolution à court terme de la situation sanitaire ainsi que sur les impacts à moyen et long terme du blocage économique, nous conservons un positionnement prudent dans nos portefeuilles. Néanmoins, à mesure que le choc émotionnel se dissipe, des questions plus fondamentales se posent dans les marchés, ouvrant la voie à des opportunités d’investissement. »

 

Rotschild & Co – R Valor – Point de gestion au 27 mars

Environnement de marché

« Actuellement, l’activité redémarre en Chine (environ 85% des capacités) mais il est difficile de calquer un calendrier similaire pour l’Europe ou les Etats-Unis. Un effet de rattrapage sur la consommation commence également à être observé au sein de plusieurs secteurs après deux mois de confinement. Sans surprise, les premières données macroéconomiques laissent apparaître une forte contraction (PMI) et les estimations de PIB oscillent entre -6% et -3% pour le premier trimestre 2020.

Suite à la pandémie du COVID-19 les marchés actions ont enregistré au mois de mars 2020 l’ensemble de la baisse de 2008 et la contraction des PE a été de l’ordre de celle observée en 1929.

Au plus fort de la crise, le S&P 500 a enregistré près de 35% de baisse par rapport à son pic, en Europe, cette correction a presque atteint les 40%. L’indice de volatilité VIX a touché les 85% en séance, un niveau supérieur à celui observé en 2008. Les contractions de bénéfices sont estimées, pour l’heure, de l’ordre de -4% à -5% mais elles devraient être supérieures une fois l’ensemble des données intégrées.

Une forte dislocation des marchés a été observé surtout sur les marchés de crédit (High Yield, Investment Grade, Commercial Paper). La Fed a pallié cette situation en injectant plus de 750 milliards de dollars pour abreuver les marchés en liquidité, les autres Banques centrales ont également agit en ce sens. A moyen terme, cette injection massive de liquidité devrait entraîner une reprise de l’inflation. Suivant le même élan, les gouvernements ont annoncé des mesures fiscales et des plans de relance afin d’amortir au maximum le choc sur l’économie réelle. La crise du COVID-19 a aussi entraîné un choc d’offre et de demande et fait chuter le prix du pétrole.

Aux Etats-Unis, la campagne démocrate s’est poursuivie, un duel Trump-Biden semble aujourd’hui quasiment acquis. L’actuel Président n’apparaît, pour le moment, pas affaibli dans les sondages malgré la situation. Cela s’explique par la mise en place de quelques mesures fortes, notamment concernant les banques, afin de permettre aux consommateurs américains de continuer à avoir accès au crédit et de consommer.

Perspectives

Nous conservons une attitude prudente car les marchés n’ont peut-être pas encore atteint leur plus bas. Bien que des effets techniques ont permis un rebond sur les derniers jours, la volatilité reste très importante et nous adapterons notre stratégie en fonction de la situation.

La saison de publications des résultats débutera mi-avril aux Etats-Unis mais l’environnement actuel laissent peu de place pour l’optimisme. La plupart des opérateurs seront surtout attentifs aux mises à jour des prévisions de résultats, ces dernières devraient rythmer les marchés sur le mois.

Une forte reprise est à anticiper une fois la crise passée et le contexte actuel offre de nombreuses opportunités. Nous avons la volonté de continuer d’investir en actions mais de manière réfléchie, progressive et disciplinée. »

 

Dans l’ensemble, nous constatons chez nos gérants une réelle prudence, car ils n’excluent pas une deuxième « jambe » de baisse, à mesure que les marchés constateront l’impact réel de l’épidémie sur l’économie mondiale. Mais étant des investisseurs de long terme, nous les voyons aujourd’hui très actifs dans le rebalancement de leurs portefeuilles et la recherche de nouvelles opportunités d’investissement.

 

Emmanuel Domange

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