Un cygne noir venu de Chine
Dans son fameux livre publié en 2007 « The Black Swan », le célèbre statisticien et investisseur Nassim Nicholas Taleb nous présentait le phénomène des « cygnes noirs », ces événements rares et imprévisibles dont les conséquences ont une portée considérable (positive ou négative). Ils font l’Histoire. C’est peut-être un de ces événements que nous vivons depuis le 20 janvier avec l’épidémie de coronavirus qui sévit en Chine et dans le monde.
A ce jour, il est difficile de dire quand cette terrible épidémie sera en voie d’être maîtrisée. Même si, grâce à la transparence apparente du gouvernement chinois et à une forte mobilisation internationale, la vitesse de contagion ralentit et des remèdes efficaces émergent. S’il faudra encore plusieurs semaines pour être certain d’avoir éradiqué le virus, la communauté médicale semble confiante.
En revanche les conséquences de cette crise sont importantes. La Chine représente aujourd’hui 20% du PIB mondial et la moitié de son économie est en ce moment à l’arrêt. Les nombreux secteurs qui dépendent à la fois de sa capacité de production mais aussi de sa consommation sont dans une situation délicate, les plus impactés étant les secteurs de la technologie, de l’énergie, du luxe et du tourisme. En termes de croissance, les économistes anticipent une baisse du PIB de 1% pour la Chine et de 0,4% pour les Etats-Unis au premier trimestre.
Les marchés ont globalement bien réagi à cette crise. Après une brève, mais franche correction fin janvier, ils ont très vite retrouvé leurs plus-hauts niveaux, encouragés par le plan de relance de la Banque Centrale chinoise et l’assurance des autres banquiers centraux d’agir si nécessaire. La résilience des actions est assez remarquable, même face à des événements aussi anxiogènes qu’une épidémie. Tant que la croissance mondiale reste positive et que les taux demeurent bas, elles restent l’actif liquide le plus intéressant.
Alors pourquoi parler de « cygne noir » ? Quelles sont les conséquences profondes qui peuvent changer le cours de l’Histoire (du moins économique) ?
C’est que cette crise survient à un moment particulier où la première puissance mondiale, les Etats-Unis, s’inquiète de sa dépendance vis-à-vis de son concurrent direct, la Chine. Depuis son élection, le président américain exhorte sans réel succès les entreprises à rapatrier leurs capacités de production sur le territoire national. Avec la rupture actuelle de la chaîne d’approvisionnement chinoise, les chefs d’entreprises américains pourraient revoir leur position et commencer un mouvement massif de relocalisation. Si ce scénario se réalisait, il contribuerait à la polarisation du monde entre deux superpuissances, deux écosystèmes : les Etats-Unis et la Chine. Et dans cette nouvelle donne, la place de l’Europe n’est pas encore claire, tant elle résiste à l’influence américaine, notamment sur le dossier des réseaux de télécommunications dits « 5G ».
Il faudra donc suivre dans les mois à venir l’évolution des plans stratégiques des entreprises, tout en gardant en tête l’échéance électorale américaine du mois de novembre prochain. L’année promet d’être riche en actualités, et donc sans doute volatile, mais tant que les politiques monétaires resteront accommodantes, les actions resteront le placement liquide le plus intéressant, comme elles le démontrent semaine après semaine.