Le mois d’avril a vu le rebond des actions se poursuivre partout dans le monde et plus particulièrement aux Etats-Unis (MSCI World +11,18% – S&P 500 +13,02%). Encouragés par le soutien massif des autorités monétaires et des gouvernements, les investisseurs se réexposent aux actifs risqués. L’espoir de voir un traitement du virus officiellement reconnu et la volonté affichée des gouvernements de remettre les économies en marche sont autant de facteurs qui ont permis la stabilisation puis la reprise des marchés. Tous les secteurs ne sont néanmoins pas sortis d’affaire et les semaines à venir seront cruciales pour leur survie.
Ce mois-ci, nous partageons avec vous l’analyse de Virginie Robert qui gère le fonds Constance Be World présent dans notre sélection Actions Internationales. Spécialiste des Etats-Unis, elle nous explique l’impressionnante reprise de ce marché.
Mais pourquoi le marché américain n’a-t-il pas baissé davantage ?
Flash Marchés au 24 avril par Virginie Robert – Constance & Associés
« Notre analyse
C’est une question que beaucoup d’entre vous me posent. En premier lieu, rappelons que le marché a baissé ! Si au moment où j’écris ces lignes, le S&P500 net TR en US dollar n’est en repli que de 13% au 23 avril depuis le début de l’année, nous avons vite oublié qu’il était en hausse de 5% jusqu’au 19 février ; l’indice est donc en repli de plus de 17% depuis ce point haut et est revenu au niveau de janvier 2018. Cela dit, cette baisse peut sembler « modérée » alors que la majorité des économies sont en confinement et qu’il est désormais complètement établi que nous rentrons en récession dans les pays de l’OCDE. Pour mémoire, depuis le début de l’année, le Stoxx 600 Europe Net TR, indice représentatif des marchés européens accuse une baisse de 19% au 23 avril depuis le début de l’année. Alors comment expliquer cette relative résilience du marché américain ?
La question des indices
Au risque de me répéter, les indices ne sont pas complètement représentatifs de la situation économique globale et des particularités de certains secteurs ou sociétés. Si l’indice S&P 500 net TR en USD recule de 13% au 23 avril, Netflix progresse sur la même période de 30%, Amazon de 28%, Microsoft de 10% ; mais à l’inverse Walt Disney affiche une performance négative de 30%, Tyson Foods de 34%, Ralph Lauren de 43% pour ne citer que quelques noms que nous connaissons bien dans notre gestion. Évidemment, les plus fortes baisses concernent les valeurs pétrolières (que nous ne détenons pas dans nos investissements car non éligibles à notre processus d’investissement) ou encore les compagnies aériennes (Delta Air Lines à -64%). Au total, il est intéressant de constater que 15% des valeurs du S&P 500 sont en territoire positif depuis le début de l’année. S’agissant du Stoxx 600 Europe, le chiffre s’établit à 13,5%. Mais le point important à souligner est que la capitalisation boursière des 15% positifs du S&P 500 représente plus de 30% de la capitalisation globale de l’indice contre 19% pour le Stoxx 600. Rien de surprenant lorsque les champions du numérique, de la digitalisation – industries globalement plus sereines voire gagnantes de cette crise – sont majoritairement américaines et constituent des poids de plus en plus importants de l’indice. Malheureusement, ces champions sont globalement absents en Europe. Force est de constater que le marché américain continue de présenter de forts atouts structurels micro-économiques pour la gestion. Soulignons également que c’est dans les périodes de baisse que la gestion active prend toute sa dimension contrairement à la gestion passive.
La question de la macroéconomie
Soyons clairs, nous sommes dans le brouillard ! Alors que les moteurs de production sont quasiment à l’arrêt dans nos économies, la question est de savoir à quel point la situation sera dégradée. Devant les multiples incertitudes de l’évolution de la crise sanitaire, de la durée des confinements actuels (et futurs ?) alors même que le Covid-19 reste encore méconnu par bien des aspects (virulence, contagiosité, immunité…), il est impossible de modéliser le cycle économique et les économistes qui s’y risquent sont bien courageux ! A cet égard, certaines entreprises ont décidé de ne pas s’engager dans la publication de perspectives chiffrées sur leur chiffre d’affaires et leur résultat (« guidances »).
Pour autant, nous savons que certaines économies souffriront davantage que d’autres.
En effet, les crises amplifient les situations de faiblesse et pire, elles les mettent à jour ! Autrement dit, les crises agissent comme un révélateur de bonne ou mauvaise santé. Il s’agit de considérer la structure industrielle des économies, la composition des entreprises participantes et bien évidemment les stimuli budgétaires. L’effort budgétaire consenti par les pays développés est important et s’établit à plus de deux fois celui octroyé en 2008/2009 lors de la crise financière. Pour autant, ces montants comportent des disparités selon les pays. En pourcentage de PIB, ils sont plus importants aux États-Unis et au Japon. En Europe, l’Allemagne est la plus généreuse, sa gestion des finances publiques ayant été, de loin, plus rigoureuse jusqu’alors. D’après The Economist, l’effort budgétaire est estimé à 0,7% du PIB en France, 3,1% au Royaume-Uni, 4,4% en Allemagne et 6,9% aux USA ! Notons à cette occasion que la disparité de ces chiffres en Europe est préoccupante car elle ne favorisera pas une reprise coordonnée européenne. Les économies ne seront pas toutes sur la même ligne de départ lorsqu’elles pourront fonctionner de façon plus normale ! S’agissant de la réponse à la crise des Banques Centrales, là aussi, notons les différences. Les interventions non conventionnelles se sont multipliées. Aux États-Unis, la Réserve Fédérale a annoncé le rachat des prêts consentis aux PME afin d’augmenter la capacité de prêts accordés par les banques commerciales pour financer les entreprises lors de la reprise et ainsi ralentir le nombre de faillites potentielles. Ces prêts aux PME sont garantis par l’agence fédérale, la Small Business Administration. En Europe, la BCE a accru l’injection de liquidités aux banques commerciales et achète des obligations d’entreprises (ce que pratique aussi la Fed) mais le banquier central américain va plus loin en apportant liquidité et flexibilité et en créant des meilleures conditions d’accompagnement de la reprise.
Et après ?
Alors que se profilent ou se mettent en place les plans de déconfinement, nous rentrons dans une phase intermédiaire. Les économies vont reprendre une activité mais à un rythme modéré. Dans cette période, il faut accorder aux entreprises du soutien fiscal mais il faut surtout qu’elles fassent preuve d’ingéniosité. Il faudra qu’elles construisent ou qu’elles renforcent leurs avantages compétitifs. A court terme, les industries doivent se réorganiser notamment pour respecter la distanciation sociale entre salariés. Les détaillants et le secteur de la consommation discrétionnaire vont devoir travailler à comment rassurer les clients, fidéliser une nouvelle clientèle (maintenant que les touristes sont absents). A plus long terme, les 25% des premières 2000 entreprises mondiales qui ont davantage de trésorerie que de dettes seront favorisées. Viendra ensuite la période de possibles fusions-acquisitions pour accroître sa part de marché ou optimiser sa chaîne de production… La crise amplifie la valeur à accorder à la gestion long terme. Ainsi, à terme, les sociétés seront moins rentables mais plus résilientes. Moins de «just in time» (juste à temps) à plus de «just in case» (juste au cas où, c’est-à-dire produit en avance en sécurisant la disponibilité par des stocks).
Conclusion
Continuons d’investir dans des entreprises autant que possible prévisibles par leur métier, leur qualité bilantielle, leur stratégie, leurs avantages compétitifs d’aujourd’hui et de demain… et force est de constater que cette prévisibilité, nous la ressentons encore dominante sur le marché américain.